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Queerlinguisticks

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2 juillet 2006

Esther Newton : « Mother Camp, Female Impersonators in America », 1972

0226577600Esther Newton, ethnologue, nous plonge dans l’univers des transformistes, dans l’Amerique d’avant Stonewall. Bien que l’étude date un peu, l’écriture et la réflexion sont étonnement contemporaines. On pourrait lui reprocher quelques interprétations psychologisantes, mais en comparant les différents travaux qui ont été publiés à la même époque, on ne peut pas douter du formidable esprit de modernité et d’innovation qu’a apporté Esther Newton aux Queer Studies.

Selon Esther Newton, la vie gay est étonnement hiérarchisée. Minorité au sein de la minorité, " les Street Fairies " (effeminés, un peu travestis, un peu prostitués) et les " female impersonators " (transformistes) ne jouissent pas d’une excellente réputation dans cette Amérique policée, puritaine et homophobe. Une certaine cohérence sociale existe toutefois dans ces deux groupes marginaux. Les bars gays sont (déjà) une institution centrale du milieu homosexuel et présentent des spectacles de transformistes, en play-back ou en " live ", dans le style " glamorous " ou " camp ". Le style " glamorous " tente essentiellement de créer l’illusion de la féminité, à travers, le chant, la danse, le maquillage, et de la rompre brutalement en fin de spectacle. Le style " camp " est humoristique et joue la carte de l’auto-derision et du décalé pour désamorcer des situations tragiques.

Devant le peu de bars gays, une concurrence énorme existe parmi les " street fairies " et " les female impersonators ". Alors le transformiste est un professionnel qui vit de son art et qui jouit, de ce fait, d’un certain prestige auprès des " street fairies "; ces derniers sont souvent sans emploi, vivant en marge de la société américaine et de la communauté gay, et décriés pour leurs attitudes extravagantes extrêmement féminines. Pour les " street fairies ", l’art du transformisme est souvent une passion et est l’occasion de sortir du milieu stigmatisant dans lequel ils évoluent. Les transformistes jouissent donc d’une certaine autorité parmi ce milieu marginal des " street fairies ".

Le savoir-faire des transformistes peut également être une source de prestige, et plus particulièrement, au sein de la communauté gay, les adeptes du style " camp ". La vivacité d’esprit et le sens de la repartie que demandent ce genre d’exercice, en font des individus fascinants mais également des adversaires redoutables.

Pour Esther Newton, le camp est une idéologie, un ethos, qui joue un rôle analogue à l’esprit " soul " dans la culture noire américaine. Si le " soul " tente de construire une identité noire américaine, le camp, lui, doit négocier avec une identité bien définie mais chargée de mépris. Dans ce sens, le camp est pour Esther Newton, " une stratégie de situation ".

Le camp n’est donc pas une chose, mais une relation entre les choses. C’est un regard qui se définit par l’incongruité, la théâtralité et l’humour. L’incongruité est le sujet du camp, la théâtralité, son style, l’humour, sa stratégie.

Pour Esther Newton, le camp repose sur la perception ou la création d’ " incongruous juxtapositions ". Les juxtapositions masculines/féminines sont bien sur les plus caractéristiques du style camp, mais tous les contrastes peuvent être " campy " : bourgeois/populaire, vieux/jeune, sacré/profane, etc… Les objets ou les gens sont souvent appelés " campy ", mais le camp ne réside pas dans la personne ou dans l’objet mais plutôt dans la tension entre la personne ou la chose et son contexte ou sa situation sociale.

Pour Esther Newton, le cœur de l’esprit camp réside dans l’expérience de la déviation morale. Un de ses informateurs explique : " Camp is all based on homosexual thought. It is all based on the idea of two men or two women in bed. It’s incongruous and it’s funny. "

Si la déviation morale est l’échelle à partir de laquelle est perçue l’incongruité, c’est plus spécifiquement la manipulation et la subversion des rôles qui est au cœur de la seconde propriété du camp, la théâtralité.

Le camp est théâtral de trois manières. Premièrement, le camp est un style. Le camp tend à passer de ce qui est à ce qui est vu, de ce qui est fait à comment c’est fait. Deuxièmement, le camp a une forme dramatique. Il implique un " comédien " et un public. Enfin, l’idéologie du camp repose sur la perception de " l’être comme rôle " et de " la vie comme théâtre ". C’est ici que le transformisme et le camp se rejoigne. La possibilité de cacher le stigmate (Goffman) implique une certaine conception " théâtrale " de la vie et du sentiment d’identité.

La troisième qualité du camp est l’humour. Le but du camp est de faire rire une audience. En fait le camp est un système humoristique. L’humour camp transforme les situations tragiques en représentations humoristiques. Les performances et productions " camp ", sont des stratégies créatives pour négocier et finalement définir une identité homosexuelle positive. C’est seulement en acceptant complètement le stigmate, que le personnage " camp " le neutralise et en fait un objet risible. Les personnes dites " camp ", jouissent d’un prestige enviable au sein de la communauté. Le fait d’être camp est une image positive, due à la possibilité de mettre verbalement en difficulté n’importe quelle personne tout en faisant rire. Esther Newton y voit la source pré- ou proto-politique du mouvement gay.

" Well, " to camp " actually means " to sit in front of a group of people "…not on-stage, but you camp on-stage…I think that I do that when I talk to the audience. I think i’m camping with ‘em. But a " camp " herself is a queen who sits and starts entertaining a group of people at a bar around her. They all start listening to what she’s got to say. And she says campy things. Oh, somebody smarts off at her and she gives ‘em a very flip answer. A camp is a flip person who has declared emotional freedom. She is going to say to the world, " I’m queer ". Although she may not do this all the time, but most of the time a camp queen will. She will walk down the street and she’ll see you and say, " Hi, Mary, how are you ? " right in the busiest part of the town…she’ll actually camp, right there. And she will swish down the street. And she may be in a business suit ; she doesn’t have to be dressed outlandishly. Even at work the people figure that she’s a camp. They don’t know what to call her, but they hire her ‘cause she’s a good kid, keeps the office laughing, doesn’t bother anybody, and everyone’ll say, " Oh, running around with Georges’s more fun ! He’s just more fun ! ". The square are saying this. And the other ones [homosexuals] are saying, " Oh, you got to know Georges, she’s a camp ". Because the whole time she’s light-hearted. Very seldom is camp sad. Camp has got to be flip. A camp queen got to think faster than other queens. This make her camp. She’s got to have an answer to anything that’s put to her…Now homosexuality is not camp. But you take a camp, and she turns around and she makes homosexuality funny, but not ludicrous ; funny but not ridiculous…this is a great, great art. This a fine thing…Now when it suddenly became the word…like…it’s like the word " Mary ". Everybody’s " Mary ". " Hi, Mary, How are you Mary ". And like " girl ". You may be talking to one of the buchest queens in the worls, but you still say " Oh, girl ". And sometimes they say " well don’t call me " she " and don’t call me " girl ". I don’t feel like a girl. I’m a man. I just like to go to bed with you girls. I don’t want to go to bed with another man ". And you say, " Oh, girl, get you. Now she’s turned butch. " And so you camp about it. It’s a sort of laughing at yourself instead of crying. And a good camp will make you laugh along with her, to where you suddenly feel…you don’t feel she’s made fun of you. She’s sort of made light of a bad situation. " (Extrait d’un entretien d’Esther Newton avec un transformiste)

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7 avril 2006

Dieu me sourirait il ?

BOURSE DE THESE : GENRE ET TIC

Dans le cadre d’un projet de recherche intitulé « Sexties » ayant pour objet « Genre et Technologies de l'information et de la communication », nous avons la possibilité de demander une bourse doctorale de 3 ans, pour un-e futur-e doctorant-e motivé-e désirant rejoindre notre équipe de recherche à l’Institut national des Telecoms d’Evry (INT Management / Telecom INT). Le contrat débuterait (si nous avons la bourse) le 1er septembre prochain. Si vous êtes intéressé-e, contactez Isabelle Collet, icollet@u-paris10.fr

5 avril 2006

Pègre et autres questions de parenté linguistique (sémantique ?)

Quelques récentes rencontres (la Mimi de la Traboule, les dialogues de Audiard, le bouquin de Florence Tamagne, mon adoré article " The power of penetration ", etc…) m’obligent à m’orienter vers une piste à laquelle je n’avais pas pensé immédiatement.

Historiquement, au début du siècle, le milieu homosexuel était fortement lié au milieu de la pègre, de la prostitution, des artistes, etc… et je ne peux pas m’empêcher depuis quelques jours de faire des parallèles avec un certain humour gay et le type de discours utilisé chez Audiard, mais également avec un type particulier de parlé populaire…

Je me demande donc si il n’y a pas des liens de parenté (historiquement, encore une fois, ca se justifie) entre un certain type d’humour gay (travelo-cabaret) et, l’argot, ou plutôt l’esprit de cet argot, de l’entre deux guerres jusqu’aux années 60-70.

Je creuse cette piste…En fait je ne sais pas, methodologiquement parlant, comment réussir a démontrer cette parenté…suis pas linguiste moi ! ! !

Il y a un bouquin qui semble intéressant a ce sujet… " Pigalle, Le roman noir de Paris ", de Patrice Bollon…. Résumé : " Au-delà du mythe, comment le quartier de Pigalle s'est-il constitué, quelle en a été la véritable histoire ? C'est ce que raconte ce livre. Pigalle à d'abord été un district aristocratique : la célèbre " Nouvelle-Athènes ". Il s'impose ensuite comme lieu de plaisir où se côtoient le chic et le marginal. A partir des années 1930, s'y établit une pègre organisée, corse ou marseillaise. Pigalle devient peu à peu le quartier de la drogue et des sexualités " différentes ", des homosexuels puis travesties. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la pègre se mêle aux marginaux et aux artistes, mais aussi aux collabos et aux officiers allemands. Centre de tous les trafics, on voit même, à la Libération, s'y développer une criminalité américaine de GI’s dévoyés. C'est la grande époque de Pigalle."

Voilà, je ne sais pas où ca va mener, si c’est vraiment mon sujet, mais j’y vais…

(ce qui est amusant c’est qu’on peut se poser les mêmes questions pour Londres…) cf polari

4 avril 2006

Ca ne vous rappelle rien ?

" Melhuus Marit, The power of penetration – The value of virginity : male and female in Mexican heterosexual and homosexual relations. " in " Sexe relatif ou sexe absolu ", Catherine Alès, Cecile Barreau, Editions de la Maison des Sciences de l’Hommes. Paris. 2001.

La problématique de Melhuus Marit se situe au niveau des systèmes de genre. Elle tente de comprendre les liens qui unissent, dans une société donnée, le discours dominant sur la sexualité et les discours subordonnés. Cette article est construit grâce à des données personnelles, recueillies dans le milieu ouvrier de Mexico city, et également grâce aux travaux de Prieur A. sur les homosexuels du même milieu socio-culturel. Marit Melhuus expose clairement que dans le contexte mestizo, les homosexuels ne produisent pas un contre-discours en opposition à celui des hétérosexuels. Bien au contraire, des éléments centraux du discours des homosexuels sont inscrits dans le discours des hétérosexuels et constitutifs de la définition émique de la masculinité. Ainsi le discours " homosexuel " reçoit son sens en référence au discours hétérosexuel, et vice versa.

Le discours sur les genres à Mexico met fortement l’accent sur la complémentarité entre les hommes et les femmes. Cependant, cette différence et cette complémentarité se reflètent également dans les relations homosexuelles. Ainsi il n’y a pas de place pour une femme (célibataire) qui ne soit ni une prostituée ni une vierge, comme il n’y a pas de place pour un homme qui ne soit ni un macho ni un homosexuel (maricon). Cette différenciation des genres tire sa signification de la notion de pénétration : dans le premier cas la femme est pénétrée ou non, dans le second l’homosexuel est pénétré. Cependant ces représentations de la masculinité et de la féminité ne sont pas à placer sur le même plan. Alors que les femmes sont distribuées entre " bonnes " ou " mauvaises " (vierges ou non), les hommes sont distribués le long d’un continuum, en positon relative les uns par rapport aux autres (plus ou moins " hommes " qu’un autre). On a deux formes d’évaluation de la masculinité et de la féminité, l’une, discrète, et l’autre, continue, qui prennent leur sens autour de la notion de pouvoir et de pénétration pour les hommes, et autour des notions de virginité, de souffrance et de maternité. La figure de la Vierge est alors l’archétype de la féminité.

Le machisme, une expression du pouvoir.

Pour Marit Melhuus, la distribution des hommes sur l’échelle du pouvoir se fait en référence au machisme, bien que cette notion se fonde finalement sur la catégorisation discrète des femmes. L’articulation du machisme montre donc, à la fois, la situation précaire dans laquelle se trouve les hommes (prouver constamment leur pouvoir), mais également montre à quel point la sexualité féminine est vue comme ambiguë (source de pouvoir, mais également menaçante). Enfin, malgré les définitions multiples du machisme, celui-ci se comprend en milieu mestizo en référence aux notions locales d’honneur et de honte.

Le machisme est associé à la notion de pouvoir, et conséquemment, aux notions de violence et d’agressivité. C’est une forme d’affirmation de soi qui implique d’avoir le contrôle, d’avoir les commandes, et d’avoir autorité sur les femmes mais également sur les hommes. Le machisme à comme groupe de référence les hommes, autrement dit, même si c’est à travers les femmes qu’il se reflète, c’est à travers le regard des autres hommes qu’il est confirmé. Lancaster dit : " Le machisme n’est pas un moyen de structurer le pouvoir entre les hommes et les femmes. C’est, avant tout, un moyen de distribuer le pouvoir entre et parmi les hommes. "

Machisme, est dérivé du terme générique macho, signifiant mâle, et est utilisé comme synonyme pour masculinité, impliquant avant tout la capacité de pénétrer, et est associé au fait d’être actif, déterminé et inflexible. Ainsi le discours sur le pouvoir est lié de manière inhérente au fait d’être un homme et est explicitement sexuel. Le pouvoir est lié au fait d’être actif, à l’inverse les faibles sont ceux qui sont pénétrés, passifs, en un mot, féminins.

Dans la culture locale, les hommes et les femmes vont critiquer sévèrement le machisme pour l’incidence que se comportement peut avoir sur l’alcoolisme et la violence. Il existe donc des termes plus positifs, surtout dans la bouche des femmes, qui veulent un homme qui montre sa maîtrise des événements de la vie, travailleur, responsable et respecté. Elles font également référence au terme " macho " pour décrire se comportement. Le machisme est donc ambiguë, dépendant du contexte et de la personne pour lequel le terme est employé. Le machisme peut être vu comme un espace où l’on acquière de la virilité et qui structure ainsi les relations entre hommes. Néanmoins, les relations avec les femmes favorisent cette évaluation du pouvoir. La virilité d’un homme est améliorée non seulement par le nombre de femmes qu’il arrive à conquérir, mais également par la vertu de sa femme. En fait, la notion de vertu féminine est intrinsèque à la construction de la masculinité. Le fait que la vertu de certaines femmes soit importante pour un homme, implique que cette vertu peut être perdue (généralement par le contact sexuel illicite avec d’autres hommes). En d’autres mots, les actions des femmes peuvent influer sur la réputation d’un homme, en mettant un doute sur la virilité d’un homme. L’homme a donc besoin à la fois de la femme vertueuse, mais également des prostituées, des " femmes faciles ", pour affirmer sa virilité. D’un coté la vertu d’une femme reflète le fait qu’un homme la tient en respect, de l’autre son manque de vertu montrera l’incapacité de cet homme à tenir une femme en respect, alors qu’au même moment, cette femme non-vertueuse augmentera la masculinité d’un autre homme. En fait la catégorisation discrète des femmes est une condition nécessaire à la construction indigène de la masculinité. Cette catégorisation est également nécessaire a la construction de la féminité : alors que les hommes ont besoin de femmes " mauvaises " pour rester des hommes, les femmes ont besoin d’elles pour rester " vertueuses ". On commence ainsi à voir apparaître les jeux d’oppositions qui structurent l’ensemble des relations de genre.

La sexualité des femmes, mariage et maternité.

La sexualité des femmes est prise dans une sorte de contradiction. Célibataire, elles doivent se résoudre à la virginité, sinon elles risquent d’être catégorisées comme " mauvaise femmes ", " femmes ouvertes ", " prostituées ". le mariage et la maternité sont donc le seul moyen de vivre une sexualité. L’idéal de cette valeur symbolique de la virginité est investi dans la figure de la Vierge. La Vierge, à travers sa transcendance de la sexualité, étant à la fois vierge et mère, rend visible la dimension " mondaine ", au sens philosophique, de la femme, et également, l’ambiguïté de la sexualité féminine, potentiellement source de vertu. Pour que la maternité reste une vertu, cette ambivalence doit être surmontée. C’est l’image de la mère souffrante qui transcende la tension entre virginité et maternité.

C’est la souffrance, explicitement exprimées sous la forme du sacrifice de soi, qui sert à évacuer le problème de la sexualité et qui devient le marque de la maternité. Ainsi la souffrance devient une vertu, et les femmes, ses victimes. La souffrance est perçue comme une vertu féminine et fait partie d’un discours moral, qui appartient exclusivement aux femmes, et qui sert à augmenter leur estime de soi. Le logique devient " plus tu souffres, plus méritante et vertueuse tu es ". Toutes les souffrances non sont pourtant pas perçues comme " positives ". le faits d’être abandonnée par ses enfants, est signe d’avoir été une mauvaise mère, le fait d’être violée est signe d’être un femme facile (avoir été là ou elle ne devait pas être, et faire ce qu’elle ne devait pas faire). Par contre, le fait d’être abandonnée par un homme, ou subir des mauvais traitements, est une souffrance positive.

Parrallelenment au discours des hommes sur la domination et le pouvoir, il y a le discours des femmes sur la souffrance et la maternité. La domination est exprimée à travers le discours sur le machisme où les hommes contrôlent les femmes et où ils sont en concurrence pour le contrôle sur les hommes. La domination est également exprimée à travers l’idée que les femmes sont les gardiennes de l’honneur des hommes, alors que les hommes sont les gardiens de la vertu des femmes. Bien que cette complémentarité soit construite sur un idiome masculin (la domination), il est cependant possible d’isoler un ordre symbolique où la Vierge (mère de Dieu) eclipse l’image du Père, et où la femme est séparée et unique. La femme non-sexuelle, la mère, est la valeur ultime, plaçant finalement la femme en dehors du pouvoir des hommes. Autrement dit, il existe ou double structuration, permettant domination et complémentarité pour les femmes comme pour les hommes, mais où la femme semble pouvoir s’échapper du pouvoir des hommes, alors que les hommes ont toujours besoin des femmes pour affirmer leur pouvoir.

L’homosexualité. Etre moins qu’un homme.

Il est très difficile de parler de gays dans le contexte de l’Amérique Latine, car le système de genre exclu ce genre de formation d’identité et qu’elle ne reconnaît pas cette construction. Fondamentalement, il existe une grande différence entre les deux systèmes, basés sur l’opposition choix d’objet/rôle sexuel. Autrement dit c’est la signification de l’acte qui est mise en avant et non le sexe de la personne avec laquelle se fait l’acte. Selon Prieur, l’homosexuel efféminé est un symbole culturel, négativement inscrit dans l’imagerie mexicaine de la masculinité et représente l’opposé du macho. La métaphore centrale pour comprendre la construction homosexuelle est celle de la pénétration liée aux notions de " passif/actif ". L’homosexuel se définit par son rôle passif dans les relations. Les autres hommes peuvent être classifiés dans deux catégories, ceux qui ont des relations sexuelles avec des femmes uniquement et ceux qui ont des relations sexuelles avec les deux sexes. Les classifications sexuelles locales montrent bien cette conception de la sexualité centrée sur l’acte et la position. L’homosexuel est l’homme qui a des relations avec des hommes et qui assume le rôle de passif. Il est supposé avoir un comportement feminin. Le vestida ou encore jotos ou jotas, est un homme qui se féminise, physiquement et dans son comportement sans pour autant être un travesti ou un transsexuel. Etre bisexuel ou encore être " internacional " ou être un " tortilla ", signifie qu'il est supposé avoir des relations avec les hommes mais son rôle sexuel est moins clair, il peut changer et passer du rôle de passif à celui d’actif. Le " mayate " est un homme qui a des relations avec les deux sexes, tout en restant actif avec les hommes. Le terme " buga ", est réservé aux " vrais hommes " qui ont des relations sexuelles qu’avec les femmes. C’est donc l’acte de pénétration et les rôles sexuels qui donne sens à cette classification. En soi, le fait d’avoir des relations sexuelles avec un homme n’est pas stigmatisant, cela peut etre même perçu comme l’acte ultime de virilité, mais c’est plutôt le fait d’être pénétré qui vous réduit à être moins qu’un homme. La pénétration ne sert pas uniquement à distinguer les hommes des femmes, mais également les hommes entre eux. Etre pénétré est symboliquement connecté a la féminité. Pour la jeune fille, la pénétration la transforme en femme. Alors que pour les hommes, être pénétré c’est être privé de sa masculinité, c’est un acte qui féminise la personne. Cependant alors qu’en perdant leur virginité les femmes ont possibilité d’atteindre un statut supérieur par la maternité, l’homme pénétré est définitivement stigmatisé.

Sur la base de ses observations, Prieur soulève une contradiction dans le discours des homosexuels : Pourquoi un homosexuel, qui c’est laissé pénétré par un homme, condamne si fortement un autre homme de se laisser pénétrer ? Son explication est basée sur les notions essentialistes de la sexualité qui prévalent dans le contexte " mestizo ". L’homosexuel se laisse pénétrer parce que cela est la conséquence naturelle de son sentiment d’être féminin. Ainsi, un homme qui est attiré par les hommes doit avoir quelque chose de féminin. Comme un homme confirme la féminité d’une femme en la pénétrant, la féminité d’un homosexuel est confirmée par le fait qu’il est pénétré par un " vrai homme ". Inversement, l’identité homosexuelle ne peut être confirmée par le fait d’être pénétré par un homme " qui est moins qu’un homme ", un homme féminin. Il est également intéressant de noter que dans les relations " domestiques " entre hommes, ce n’est pas l’homosexuel qui est entretenu. Au contraire, c’est l’homosexuel qui pourvoie aux dépenses et à l’entretien de la maison, alors que dans le modèle hétérosexuel les rôles sont strictement partagés. Pour Prieur, cela tient au fait qu’il y a un flou sur le bénéficiaire des relations sexuelles.

Pour Prieur, comme la vertu d’une femme est définie en opposition à la " putain ", la masculinité d’un homme se confirme grâce à l’existence d’homosexuels. Finalement, il existe un jeu d’interdépendances et d’oppositions entre les différentes constructions de genre, formant pratiquement une structure au sens anthropologique du terme.

On regrettera seulement que Melhuus et Prieur ne nous fournissent pas de données sur l’interprétation du système par les " prostituées ".

2 avril 2006

Première mise en forme

Je vais essayer d’exposer un peu plus clairement mon projet, ce qui me permettra de poser les premiers jalons de la recherche, et éventuellement, j’espère, de recevoir les premières critiques.

Qu’est ce qu’on entend par humour gay ?

Ici le terme de gay sera défini comme une catégorie subjective et dans une perspective queer, étant entendu que les identités sont multiples et mouvantes. Une même personne peut assumer dans une même journée, plusieurs identités (étudiant, italien, employé, gay, fils de famille, etc…) ; elles peuvent même se télescoper, sans pour autant entrer en contradiction. Il ne s’agit donc pas de morceler l’identité sociale, mais plutôt de la relier à son contexte, et aux differentes strategies (conscientes ou non) des acteurs sociaux. Ainsi, moi même, je ne suis pas toujours gay, mais suis " gay " dans des contextes sociaux particuliers.

Le terme " gay " sera donc plus entendu ici comme une catégorie, un " label ", déterminé culturellement et socialement, destiné à rendre compte d’un ensemble de comportements. Ces catégories socio-sexuelles ne visent pas uniquement à rendre compte d’une orientation du désir, mais elles ont également une portée métaphorique certaine, comme dans " La couture, c’est un truc de PD ". Ici, on le voit bien, c’est un ensemble de comportements, idées, et de fantasmes qui sont exprimés et qui donnent sens à la phrase. Il sera donc aisé de démontrer que derrière le terme " gay ", c’est un ensemble de représentations sociales qui se déploient, plus ou moins partagées, et chargées émotionnellement.

Le projet tentera de relier plusieurs questions. Qu’appelle t’on l’humour " gay " ? Quelles sont les représentations qui sont en jeux dans cet humour ? Quelles sont ses utilisations sociales ? Qu’est ce que ces représentations et cet humour peuvent nous apprendre sur la société en générale ?

Je soupçonne donc que derrière ce terme d’humour gay, un ensemble de représentations populaires circulent, interrogent, et finalement, peut être, modèlent les comportements et les savoirs.

Le travail de cette thèse sera donc de dégager les principales représentations qui circulent dans cette forme d’humour, de voir comment elles s’articulent entre elles, s’interroger sur leur éventuelle structure, et de les relier aux représentations plus générales qui " in-forment " les identités de genre dans notre culture.

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1 avril 2006

William Leap, " Studying lesbian and gay languages ", in Out in theory

Commençant à la fin des années 60, les études sur le langage gay et lesbien se limitent à l’étude du lexique et du vocabulaire des gays. (Farell, Lakoff, Conrad and More). Cependant rien n’est dit sur le contexte d’un tel usage du langage ni sur les implications culturelles du lexique récolté. C’est dans ce contexte que le travail de Esther Newton est remarquable, puisqu’elle anticipe sur l’intérêt sémiotique que peut avoir le langage gay au sens large.

A la fin des années 70, les sociolinguistes déplacent leurs intérêts sur les liens entre langage et contexte,  les effets du contexte social sur l’utilisation de la langue, et sur d’autres aspects de l’ethnographie de la communication.

(Delph, sur la communication non-verbale ; Murray, sur les insultes rituelles ; Read et Goodwin, sur la centralité du langage dans les pratiques culturelles et sociales des bars gays)

Durant les années 90 et au delà, des sessions sur le langage lesbien et gay furent inclus dans les programmes scientifiques de l’American Anthropological Association, de la Linguistics Society of America et de l International Association for Applied Linguistics. C’est également dans les années 90 qu’apparaissent trois ouvrages majeurs sur le thème : Beyond the lavender lexicon, Queerly Phrased, et Queer Words, Queer Images. Bien que n’étant pas des travaux de linguistique à proprement parlé, certains travaux connexes ont grandement contribués à la récolte des données et à la théorisation du champs. ( Kennedy & Davis, sur Buffalo lesbian community ; Lewin, sur la maternité des lesbiennes ; Sear, sur l’adolescence des gays du Sud de l Amerique ; Herdt, interprétations des cultures sexuelles en Amérique et Nouvelle Guinée). Plusieurs travaux sur le langage des " same-sex related identities ", ailleurs qu’en Amérique, virent le jours. (cf Speaking in Queer Tongues)

Plusieurs événements ont contribué à ce développement des études gays et lesbiennes du point de vue du langage. Tout d’abord la lente maturation, parfois agressive, du mouvement politique gay et lesbien. Ensuite, la création de OUTIL (OUT in Linguistics) a permis de mettre en contact les différents linguistes qui s’intéressaient à la question , et d’échanger des commentaires sur leurs recherches en cours. Il en va de même pour l’anthropologie, avec la refondation de l’ARGOH (Anthropological Research Group on Homosexuality) en SOLGA (Society of Lesbian and Gay Anthropologists). Dans l’effort de formaliser l’étude des cultures gays et lesbiennes, , SOLGA fut le sponsor de la première session sur les "lavender languages" inclus dans le programme scientifique de l’American Anthropological Association en 1993. Beyond the Lavender Lexicon (Leap) est né de cette session. Enfin, l’émergence de la théorie Queer a renouvelé l’intérêt des chercheurs pour les questions de représentations, de textualité et de performativité.

Qu’est ce que les études sur les langages gays/lesbiens ont à dire sur les relations entre langage, politique, " same sex identities " et les désirs ?

Comment décrire les productions linguistiques des gays et lesbiennes ? Langage ou dialecte ? Genre ou code secret ? Sociolecte ou argot ? Maintenant que l’intérêt des chercheurs se porte moins sur le lexique, la complexité des phrases utilisées, le " camp ", et la narration, le statut des pratiques linguistiques gays et lesbiennes est devenue beaucoup plus problématique. Mais ces contenus du discours justifient-ils que l’on parle de language ? Afin de définir rigoureusement ce qu’est un langage gay/lesbien, il s’agirait donc moins désormais d’obtenir des données sur le contenu de celui ci, que sur les relations dialogiques entre le parlant et son public et comment les éléments linguistiques sont marqués de manière extradiscursive :

" It may be the case that careful quantitative study of lesbian speech will show that some phonologocal or other linguistic forms have a greater probability of showing up in lesbian talk than in heterosexual women’s talk, and if this is the case, it will be good for us to now it… But i have comme to think that language among lesbians, at least across ethnicities and social classes of English speaking American lesbians, is particularly lesbian in that interlocutors assume shared knowledge about many extradiscursive matters touching on both gender ans social-sexual orientation. These areas of knowledge partly inform and partly constituted by societal discourses. […] We are heard as lesbians, at least by ourselves ; the authentic lesbian voice is characterized not by intonational peculiarities or, for the most part, by use of special lexicon, but by implication, inference and presupposition that reveal a speaker’s stance within the territories of various societal discourses. " (Moonwomon, " Toward the Study of Lesbian Speech ", Queerly phrased).

Dans Word’out, Leap avance que certains gays américains ne sont pas utilisateurs du " Gay men’s English " et inversement certaines personnes qui l’utilisent ne sont ni des gays ni des hommes. L’expression langages gays (lesbiens) est donc plus complexe qu’elle n’y paraît au première abord. En fait le terme gay dans cette expression dénote plus une sorte de subjectivité de genre/linguistique qui n’est pas nécessairement reliée à un désir ou un choix d’objet sexuel, mais une subjectivité construite et reproduite par le fait de "parler gay" dans une situation sociale et historique particulière. Les discussions sur le langage gay doivent donc être étroitement associées à une interrogation sur les savoirs et discours dans lesquels se situent l’interlocuteur pour fonder une identification gay.

De ce point de vue, à moins de supposer une identité sexuelle commune sur la base que les gays et les lesbiennes désirent le même sexe, la référence au langage gay/lesbien devient hautement problématique. L’expression conjointe sous-entend que les utilisateurs de ce langage partagent une subjectivité et une position sociale commune qui n’est pas avérée dans les faits. Leap suggère donc l’utilisation du terme "Lavender Language" (terme Lavender emprunté au Polari, que l’on pourra traduire maladroitement par "les languages LGBT"), afin d’unifier les différentes recherches et problématiques liées au langage et aux "same-sex related identities ". Barett propose dans son article " The Homo-genius speech community " l’utilisation du terme " Queer Linguistics ". Mais selon Leap, la théorie " Queer " ne se limite pas à décloisonner les identités sexuelles, mais l’ensemble de ces identités (ethniques, nationales, de genre, d’âge, etc…) dans le but d’en contester leur sens et leur rôle politique. Ainsi, bien que ses recherches, menées dans une perspective "Queer", peuvent aider à faire apparaître les différents liens qui unissent ces catégories et comment le langage les reproduit et affermit les inégalités qui en découlent, les particularités des "Lavender Languages" risquent d’être écartées au profit de questions plus larges sur le langage, la subjectivité et les inégalités.

William Leap suggère alors une piste de recherche pour l’étude des " lavender languages ". Un des apports les plus excitants des études sur le language gay et lesbien est les discussions qui ont entourées la notion "d’Authenticity". " Authenticity " est pour une large part, une théorie de la réception où le destinataire du message fait souvent des associations entre le contenu du message et des significations de genre, même quand l’émetteur n’a pas l’intention de le faire. Les premières discussions sur " l’Authenticity " portaient essentiellement sur les mots explicites utilisés ou sur les gestes, et intonations. Ceci reflète d’une certaine manière les préjuges et l’intérêt des chercheurs, souvent plus attirés par le " camp " de la culture gay et lesbienne. Aujourd’hui avec un plus grand accès aux matériaux linguistiques, les discussions sur la notion "d’Authenticity" sont plus contradictoires. Pour Moonwomon, il n’y a pas d’éléments linguistiques propres au langage lesbien. Dans ce sens, " l’authenticity " est marquée de façon sémantique, mais pas nécessairement linguistiquement. Pour Leap, il y a des éléments linguistiques qui apparaissent de manière récurrente chez les gays, et pas chez les lesbiennes ou chez les hommes hétérosexuels. Pour Don Kullick, c'est la notion de co-construction qu’il s ‘agit d’étudier plus précisément. Mais de manière générale, il est entendu que " l’authenticity " est construite socialement et culturellement. S’en suit une série de discussions sur la globalisation du mouvement gay américain et sur le manque de données quant à la culture et aux langages des " same-sex related identities " en dehors de la sphère occidentale. (cf Leap, Speaking in Queer Tongue )

1 avril 2006

Polari

Polari

Polari est une orthographe récente. Dans le passé, le polari était plus connu sous les termes de Palari, Parlare, Parlaree ou sous une variété d’orthographes similaires. Le polari fût utilisé principalement durant les années trente à soixante-dix, en Angleterre, par les homosexuel(le)s, mais également par les prostituées, et les gens de théâtre. Le Polari est essentiellement un lexique, dérivé de l’argot populaire, du " backslang " (sorte de verlan, où les mots sont prononcés comme s’ils étaient écrit à l’envers), de l’Italien, de l’Occitan, du Français, et de l’argot des utilisateurs de drogues et des criminels.

Le polari n’est quasiment plus utilisé, bien qu’une dizaine de mots se retrouvent dans le vocabulaire courant des gays aujourd’hui. Cependant certains gays l’ont remanié avec d’autres formes d’argots plus modernes (ex Techno, Bangra), pour donner le Klub Polari ou le Klubari

Quelques mots :

ajax - next to
bevvy - drink
bitch - catty gay man or to complain
blow(job) - to give oral sex
bona - good
camp - effeminate, outrageous etc
cod - awful
cottage - public toilet used for sex
dish - anus/bum
dolly - pretty
drag - clothing (usually the sort you're not expected to wear)
eek - face
feely - young
lally - leg
lattie - house
naff - awful, tasteless
nanti - none, no, nothing, don't, beware
omi - man
omi-palone - gay man
palone - woman
Polari - to talk, or the gay language itself
riah - hair
send up - to make fun of
TBH - to be had
The Dilly - Piccadilly Circus, a popular hang-out for male prositutes in London
trade - a gay sex partner, often one who doesn't consider himself to be gay
vada - to look

Voir aussi :

http://www.ling.lancs.ac.uk/staff/paulb/polari/home.htm

  • Polari - The Lost Language of Gay Men, by Paul Baker, published by Routledge in 2002. Hardback, 215 pages. ISBN 0-415-26180-5
  • Baker, J. P. and Stanley, J. (2002) "Speaking Gay Secrets" in Hello Sailor! Gay Life for Seafaring Men 1945-1990. London: Pearson.
  • Cox, L. J. & Fay, R. J. (1994) "Gayspeak, the Linguistic Fringe: Bona Polari, Camp, Queerspeak and Beyond" In The Margins of the City: Gay Men's Urban Lives, ed. by Stephen Whittle, Ashgate Publishing, pp.103-127.
  • Hancock, Ian (1984) "Shelta and Polari", in Peter Trudgill [ed], Language in the British Isles, Cambridge UP, pp. 384-403.
  • Lucas, I. (1997). "The Color of His Eyes: Polari and the Sisters of Perpetual Indulgence." In Livia, A. & Hall, K. (eds), Queerly Phrased. Oxford: Oxford Studies in Sociolinguistics, pp 85-94.
  • Partridge, E. (1950). "Polari: A Cinderella Among Languages", in Here, There, and Everywhere: Essays Upon Language. London: Hamish Hamilton.

1 avril 2006

Problème de définition

gay_queer1

31 mars 2006

Voila, c'est parti

Alors voici le blog qui tue, et qui sera consacré à ma thèse. Vous y verrez donc des résumés d articles et de bouquins qui m'aideront dans le développement de cette recherche "hautement" Academique. J'en dis pas plus...vous verrez bien !!!

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