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Queerlinguisticks
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1 avril 2006

William Leap, " Studying lesbian and gay languages ", in Out in theory

Commençant à la fin des années 60, les études sur le langage gay et lesbien se limitent à l’étude du lexique et du vocabulaire des gays. (Farell, Lakoff, Conrad and More). Cependant rien n’est dit sur le contexte d’un tel usage du langage ni sur les implications culturelles du lexique récolté. C’est dans ce contexte que le travail de Esther Newton est remarquable, puisqu’elle anticipe sur l’intérêt sémiotique que peut avoir le langage gay au sens large.

A la fin des années 70, les sociolinguistes déplacent leurs intérêts sur les liens entre langage et contexte,  les effets du contexte social sur l’utilisation de la langue, et sur d’autres aspects de l’ethnographie de la communication.

(Delph, sur la communication non-verbale ; Murray, sur les insultes rituelles ; Read et Goodwin, sur la centralité du langage dans les pratiques culturelles et sociales des bars gays)

Durant les années 90 et au delà, des sessions sur le langage lesbien et gay furent inclus dans les programmes scientifiques de l’American Anthropological Association, de la Linguistics Society of America et de l International Association for Applied Linguistics. C’est également dans les années 90 qu’apparaissent trois ouvrages majeurs sur le thème : Beyond the lavender lexicon, Queerly Phrased, et Queer Words, Queer Images. Bien que n’étant pas des travaux de linguistique à proprement parlé, certains travaux connexes ont grandement contribués à la récolte des données et à la théorisation du champs. ( Kennedy & Davis, sur Buffalo lesbian community ; Lewin, sur la maternité des lesbiennes ; Sear, sur l’adolescence des gays du Sud de l Amerique ; Herdt, interprétations des cultures sexuelles en Amérique et Nouvelle Guinée). Plusieurs travaux sur le langage des " same-sex related identities ", ailleurs qu’en Amérique, virent le jours. (cf Speaking in Queer Tongues)

Plusieurs événements ont contribué à ce développement des études gays et lesbiennes du point de vue du langage. Tout d’abord la lente maturation, parfois agressive, du mouvement politique gay et lesbien. Ensuite, la création de OUTIL (OUT in Linguistics) a permis de mettre en contact les différents linguistes qui s’intéressaient à la question , et d’échanger des commentaires sur leurs recherches en cours. Il en va de même pour l’anthropologie, avec la refondation de l’ARGOH (Anthropological Research Group on Homosexuality) en SOLGA (Society of Lesbian and Gay Anthropologists). Dans l’effort de formaliser l’étude des cultures gays et lesbiennes, , SOLGA fut le sponsor de la première session sur les "lavender languages" inclus dans le programme scientifique de l’American Anthropological Association en 1993. Beyond the Lavender Lexicon (Leap) est né de cette session. Enfin, l’émergence de la théorie Queer a renouvelé l’intérêt des chercheurs pour les questions de représentations, de textualité et de performativité.

Qu’est ce que les études sur les langages gays/lesbiens ont à dire sur les relations entre langage, politique, " same sex identities " et les désirs ?

Comment décrire les productions linguistiques des gays et lesbiennes ? Langage ou dialecte ? Genre ou code secret ? Sociolecte ou argot ? Maintenant que l’intérêt des chercheurs se porte moins sur le lexique, la complexité des phrases utilisées, le " camp ", et la narration, le statut des pratiques linguistiques gays et lesbiennes est devenue beaucoup plus problématique. Mais ces contenus du discours justifient-ils que l’on parle de language ? Afin de définir rigoureusement ce qu’est un langage gay/lesbien, il s’agirait donc moins désormais d’obtenir des données sur le contenu de celui ci, que sur les relations dialogiques entre le parlant et son public et comment les éléments linguistiques sont marqués de manière extradiscursive :

" It may be the case that careful quantitative study of lesbian speech will show that some phonologocal or other linguistic forms have a greater probability of showing up in lesbian talk than in heterosexual women’s talk, and if this is the case, it will be good for us to now it… But i have comme to think that language among lesbians, at least across ethnicities and social classes of English speaking American lesbians, is particularly lesbian in that interlocutors assume shared knowledge about many extradiscursive matters touching on both gender ans social-sexual orientation. These areas of knowledge partly inform and partly constituted by societal discourses. […] We are heard as lesbians, at least by ourselves ; the authentic lesbian voice is characterized not by intonational peculiarities or, for the most part, by use of special lexicon, but by implication, inference and presupposition that reveal a speaker’s stance within the territories of various societal discourses. " (Moonwomon, " Toward the Study of Lesbian Speech ", Queerly phrased).

Dans Word’out, Leap avance que certains gays américains ne sont pas utilisateurs du " Gay men’s English " et inversement certaines personnes qui l’utilisent ne sont ni des gays ni des hommes. L’expression langages gays (lesbiens) est donc plus complexe qu’elle n’y paraît au première abord. En fait le terme gay dans cette expression dénote plus une sorte de subjectivité de genre/linguistique qui n’est pas nécessairement reliée à un désir ou un choix d’objet sexuel, mais une subjectivité construite et reproduite par le fait de "parler gay" dans une situation sociale et historique particulière. Les discussions sur le langage gay doivent donc être étroitement associées à une interrogation sur les savoirs et discours dans lesquels se situent l’interlocuteur pour fonder une identification gay.

De ce point de vue, à moins de supposer une identité sexuelle commune sur la base que les gays et les lesbiennes désirent le même sexe, la référence au langage gay/lesbien devient hautement problématique. L’expression conjointe sous-entend que les utilisateurs de ce langage partagent une subjectivité et une position sociale commune qui n’est pas avérée dans les faits. Leap suggère donc l’utilisation du terme "Lavender Language" (terme Lavender emprunté au Polari, que l’on pourra traduire maladroitement par "les languages LGBT"), afin d’unifier les différentes recherches et problématiques liées au langage et aux "same-sex related identities ". Barett propose dans son article " The Homo-genius speech community " l’utilisation du terme " Queer Linguistics ". Mais selon Leap, la théorie " Queer " ne se limite pas à décloisonner les identités sexuelles, mais l’ensemble de ces identités (ethniques, nationales, de genre, d’âge, etc…) dans le but d’en contester leur sens et leur rôle politique. Ainsi, bien que ses recherches, menées dans une perspective "Queer", peuvent aider à faire apparaître les différents liens qui unissent ces catégories et comment le langage les reproduit et affermit les inégalités qui en découlent, les particularités des "Lavender Languages" risquent d’être écartées au profit de questions plus larges sur le langage, la subjectivité et les inégalités.

William Leap suggère alors une piste de recherche pour l’étude des " lavender languages ". Un des apports les plus excitants des études sur le language gay et lesbien est les discussions qui ont entourées la notion "d’Authenticity". " Authenticity " est pour une large part, une théorie de la réception où le destinataire du message fait souvent des associations entre le contenu du message et des significations de genre, même quand l’émetteur n’a pas l’intention de le faire. Les premières discussions sur " l’Authenticity " portaient essentiellement sur les mots explicites utilisés ou sur les gestes, et intonations. Ceci reflète d’une certaine manière les préjuges et l’intérêt des chercheurs, souvent plus attirés par le " camp " de la culture gay et lesbienne. Aujourd’hui avec un plus grand accès aux matériaux linguistiques, les discussions sur la notion "d’Authenticity" sont plus contradictoires. Pour Moonwomon, il n’y a pas d’éléments linguistiques propres au langage lesbien. Dans ce sens, " l’authenticity " est marquée de façon sémantique, mais pas nécessairement linguistiquement. Pour Leap, il y a des éléments linguistiques qui apparaissent de manière récurrente chez les gays, et pas chez les lesbiennes ou chez les hommes hétérosexuels. Pour Don Kullick, c'est la notion de co-construction qu’il s ‘agit d’étudier plus précisément. Mais de manière générale, il est entendu que " l’authenticity " est construite socialement et culturellement. S’en suit une série de discussions sur la globalisation du mouvement gay américain et sur le manque de données quant à la culture et aux langages des " same-sex related identities " en dehors de la sphère occidentale. (cf Leap, Speaking in Queer Tongue )

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